Ingénierie : Pourquoi les filles représentent une opportunité pour le futur du métier ?
L’ingénierie recrute. Seulement, cette demande est plus forte que l’offre. Une situation paradoxale qui pousse le secteur à se transformer pour attirer de nouveaux talents. Encore sous-représentées, les femmes représentent 24% des ingénieurs en France, selon la 34ème enquête de l’Observatoire des Ingénieurs et Scientifiques de France. Véritable enjeu dans l’avenir de l’ingénierie, la parité n’est pourtant pas qu’une question de quota.
Un levier pour répondre aux enjeux de demain
Atteindre l’égalité hommes-femmes dans l’ingénierie représente un levier pour répondre à la demande des entreprises. Pour mener les défis de demain, grandes et petites structures sont à la recherche d’ingénieurs qui contribueront notamment à leur transition écologique et énergétique. L’innovation au sein des secteurs comme l’énergie, l’aéronautique, le bâtiment ou encore le numérique, est un moteur pour la réindustrialisation et pour l’adaptation aux transformations de notre société poussées par l’intelligence artificielle et la décarbonation.
Un levier pour une société inclusive
Le manque de femmes dans l’ingénierie a aussi une conséquence concrète sur la diversité des innovations. "Pour ironiser, on pourrait dire que nos objets technologiques, c’est de la I Tech. Entendre par là, la technologie du 'je'. Je conçois des choses qui me ressemblent ou que je vais utiliser. C’est comme ça qu’un certain nombre d’applications ou même d’objets technologiques sont manifestement conçus pour des hommes", constate Isabelle Collet, Professeure à la section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève, dans une interview pour notre Manifeste pour une ingénierie inclusive. La diversité favorise les solutions plus inclusives et adaptées aux différentes contraintes. La parité se révèle ainsi comme un levier pour le progrès social, où les femmes évoluent dans un monde qui intègre concrètement leurs besoins spécifiques.
Un levier pour susciter des vocations
Le métier d’ingénieur est autant possible pour les garçons que pour les filles. Pour permettre aux jeunes filles de se projeter, de s’identifier, de comprendre qu’elles ont toute leur légitimité à devenir ingénieure, les rôles modèles ont un rôle à jouer. À travers leur parole, elles contribuent à une ingénierie plurielle, où le genre n’est pas un critère de réussite. Montrer les débouchés possibles, favoriser la compréhension des missions, rassurer sur l’intégration : les femmes ingénieures incarnent des guides pour les étudiantes. "Ayant peu l’occasion d’interagir avec des femmes ingénieures ou scientifiques, les jeunes femmes se détournent de ces métiers pensant qu’ils ne sont pas faits pour elles", souligne une note publiée en janvier 2024 par l’Institut Politiques Publiques sur le décrochage des filles en mathématiques dès le CP.
"C’est l’environnement dans lequel les femmes évoluent qu’il faut faire évoluer. […] C’est l’environnement dans lequel elles évoluent qui ne leur permet pas de prendre toute leur place. Donc il faut prendre un petit peu le prisme si on veut avoir des résultats", assure Emmanuelle Larroque, fondatrice de Social Builder dans une interview pour notre Manifeste pour une ingénierie inclusive.
Un levier contre les stéréotypes
L’aspiration à devenir ingénieur naît aussi de l’attractivité et des performances dans les matières scientifiques. Ces facteurs majeurs se jouent dès le plus jeune âge et peuvent se combattre par la réhabilitation de la culture scientifique dès l’école primaire. Selon l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss) réalisée en 2023 et publiée en décembre 2024, l’écart de performance en mathématiques se creuse très tôt entre les filles et les garçons. On constate ainsi 23 points de différences entre les deux sexes en classe de CM1. La note de l’Institut Politiques Publiques démontre que toutes les configurations scolaires et familiales ne permettent pas d’éviter l’apparition de ces différences dès l’école primaire. Et pointe l’impact des stéréotypes de genre qui se renforcent par un effet de confirmation avec les résultats scolaires. Cela peut "induire un désinvestissement dans certaines disciplines dans lesquelles ils s’estimeraient peu talentueux".
Par conséquent, cela affecte l’accessibilité des formations scientifiques où les femmes sont sous-représentées. "On voit que la réforme du bac a été il y a, quelques années, désastreuse. On a remis en scène la dimension compétitive de ces formations scientifiques alors que l’on sait que c’est ce qui freine les filles à s’engager parce qu’on leur dit qu’elles ne vont pas y arriver. Et donc elles croient les professeurs, les parents ou les amis qui leur donnent ces messages-là", assure Sabine Lunel-Suzanne, Directrice projets et transformation chez Bouygues Energies et Services et vice-présidente d’Elles bougent dans une interview pour notre Manifeste pour une ingénierie inclusive.
Dans cet élan de lutte contre les freins pour accéder aux études scientifiques, le Parity Lab, voie de recrutement non-compétitive lancée à l’EPF, montre qu’il est possible, en transformant les méthodes pédagogiques, d’accroître le nombre d’étudiantes ingénieures.
Table ronde sur l'enjeu des femmes ingénieurs pour la profession et la société